Quille es-tu bel oiseau?

Avec l’arrivée de l’automne sonne l’heure de la grande migration pour tous les oiseaux au long cours, qui ont un nid secondaire quelque part au nord du continent africain. Ceux qui volent le plus haut auront naturellement plus de chances de traverser les Pyrénées et les tirs de barrage fournis, qui ferment généralement l’accès au sud en cette saison.

Tous, sauf peut-être la « quille », un drôle d’oiseau qui, selon une vieille légende locale remontant à ces dernières années, serait arrivé d’un pays lointain, lors de sa dernière grande migration annuelle, et aurait décidé de s’établir pour de bon en Béarn, sur les versants herbeux de la vallée du Saleys. N’est-ce pas là le symbole de cette douceur de vivre à laquelle même les animaux aspirent ?

Depuis ce temps-là on peut voir dans les pâturages alentours ces oiseaux blancs à l’allure altière, que leurs corps oblongs surmontés d’un long cou terminé par une petite tête ronde, fait ressembler à des quilles disséminées sur l’herbe au milieu des vaches (et leur a valu leur surnom auprès des grands  enfants que nous sommes).

A défaut de connaître leur origine exacte, les adultes leur ont alors aussi donné le surnom de « pique-bœufs », faisant plutôt référence à l’activité principale de ces oiseaux, qui accompagnent au champ les ruminants et les débarrassent des insectes gênants durant leur broutage. Ayant tendance à se répartir de manière équitable à raison d’un à deux individus par bête à corne, ils sont un bel exemple d’interaction et de collaboration entre les espèces animales.

Pourtant, malgré le fait qu’ils aient décidé de consacrer leurs vacances et une grande partie de leur temps libre à cette besogne ingrate, contribuant au bien être de mammifères tellement plus gros qu’eux, ces blancs oiseaux longilignes, bien plus que de simples quilles, finissent parfois par apparaître comme ces êtres célestes descendus sur le plancher des vaches, pour y accompagner l’âme (faussement ininspirée) de nos blondes herbivores dans leur courte vie, afin de les aider à transcender la paix des pâturages qui les conduit lentement et inexorablement vers le don ultime de leur corps à l’art de vivre local.C’est peut-être la raison pour laquelle les quilles, campées sur leurs pattes au milieu des prés, bien qu’elles paraissent si proches de nous, faisant partie du quotidien de la région, semblent vouloir préserver leur secret et gardent un œil perçant sans cesse aux aguets, ne se laissant pas approcher ou photographier, même au prix d’infinies précautions.Ce n’est qu’à la fin de chaque journée, quand leur tâche sur terre est accomplie, qu’elles retrouvent toute leur majesté de gardiennes du ciel, en s’envolant vers le couchant en un vol gracieux digne des oiseaux migrateurs de haut vol…